Pourquoi le plaisir facile te gâche la vie
#51 : 3 habitudes efficaces pour retrouver l'équilibre (dopamine reset)
Salut 👋
Bienvenue dans la 51ème édition de Paradigmes !
3 semaines que j’ai disparu et pour cause : le gros morceau du jour.
C’est la newsletter que j’aurai aimé lire 15 ans en arrière avant d’être poussé de force dans ce monde qui nous dirige par la dopamine. J’aurai pu en faire 3 éditions mais en voilà une seule qui t’offre le manuel complet pour mieux comprendre tes vices liés au plaisir et apprendre à t’en libérer.
Alors aujourd’hui au programme :
comment fonctionne le circuit de récompense de ton cerveau
pourquoi l’accès facile au plaisir est dangereux
3 habitudes efficaces pour retrouver l’équilibre
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Bonne lecture :)
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Et ça se passe chaque lundi dans ta boîte mail pour bien commencer la semaine.
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Pourquoi le plaisir facile te gâche la vie
Avant 1880, il était impossible de produire plus de quatre cigarettes par minute.
Depuis que la machine à rouler existe, 20 000 en sont produites toutes les 60 secondes. Et maintenant, 6,5 billions en sont vendues dans le monde chaque année.
Sans parler de tabac, aujourd’hui presque partout dans le monde, vingt minutes séparent une faim qui grandit d’une pizza bien garnie livrée à domicile. Il suffit d’une empreinte digitale sur un écran pour rompre la douleur de l’ennui.
Un moteur qui démarre, qu’il soit thermique ou électrique, nous préserve du moindre effort quand il s’agit de marcher quelques pas.
Pour notre confort et nos petits plaisirs, le progrès n’est pas près de s’arrêter. Et l’offre répondra à la demande aussi longtemps qu’on se fera aspirer par le vortex de la surconsommation.
Derrière, 70% des décès dans le monde sont attribuables à des facteurs de risque comportementaux comme le tabagisme, l'inactivité physique et l'alimentation. Autant de comportements qui peuvent être modifiés.
L’être humain est lui-même à l’origine de tout ça parce qu’il a compris son espèce. C’est-à-dire comment elle pense, comment elle agit et réagit. Que ce soit par la raison ou les émotions.
Alors on pourrait se demander si l’on n’est pas en train de s’entretuer plutôt que de chercher à s’élever…
Qu’on plonge dans la drogue, l’alcool, la malbouffe, les jeux vidéo, la pornographie, les réseaux sociaux, le shopping à outrance ou encore les jeux d’argent, tout part d’une même problématique :
L’accès facile au plaisir.
Sa molécule principale dans notre cerveau, la dopamine, est devenue le fonds de commerce des entreprises les plus prospères de notre époque. On parle même de “capitalisme limbique”.
Mais si on se fait autant exploiter chimiquement, il est largement possible de s’en sortir pour vivre heureux et en bonne santé.
Possible, mais pas si facile.
C’est une bataille constante contre soi-même parce qu’autour de nous, tout n’est que distractions. Le monde nous promet des récompenses toujours plus brillantes.
Sauf que ce qui brille doit aussi nous alerter sur ce qui peut nous détruire. Et comprendre le cerveau humain, ton cerveau, est la première étape de la rébellion.
Je te parlerai aussi aujourd’hui de 3 habitudes efficaces pour :
restaurer tes niveaux de dopamine
(ré)apprécier les choses simples
reprogrammer tes mauvaises habitudes
Et plus largement, pour reprendre le contrôle de ta vie.
Laisse-moi te raconter.
La fabrique du plaisir
À la maison, sept mètres séparent mon bureau de mon placard préféré : celui qui renferme du plaisir en tablette.
Pour croquer dans un carré, il me suffit d’avancer quelque pas et de l’ouvrir avec un coup de poignet. Simple, aucun effort. Tant que ça me fait du bien d’en manger, je pourrais continuer jusqu’à m’en dégoûter.
En fait, je garde une relation très saine avec le chocolat parce que je ne m’autorise que deux carrés par jour, et toujours après avoir travaillé (d’autant plus que c’est du chocolat noir).
Le chocolat a le pouvoir de devenir très addictif. Pas autant que la nicotine, la cocaïne ou l'amphétamine, mais à un certain pourcentage. Il ne contient pas de dopamine en lui-même, mais il déclenche la sécrétion de dopamine dans le circuit de récompense du cerveau.
C’est-à-dire qu’après avoir consommé du sucre et du cacao, on ressent du plaisir et on en redemande. Chez les rats par exemple, le chocolat élève le niveau basal de dopamine de 55%. Pour référence, la nicotine est à 150%.
Et si je retarde chaque jour ce petit plaisir, c’est pour faire passer l’effort avant le réconfort. D’abord 2 heures de travail, ensuite deux carrés pour le plaisir. C’est comme ça que le système de récompense est censé fonctionner parce qu’il n’a pas évolué depuis notre premier pas sur Terre.
La dopamine a toujours joué un rôle plus important dans la motivation à vouloir obtenir une récompense plus que dans le plaisir de recevoir la récompense en elle-même. Bien avant notre monde moderne, Homo Sapiens sécrétait de la dopamine pour survivre. C’est elle qui le motivait à aller chasser pour se nourrir.
Au moment où je t’écris ces lignes dans un hall d’hôtel, deux enfants viennent de se ruer vers le mini-bar de la réception pour réclamer du Coca à papa et maman. Ici, une petite porte réfrigérée sépare le désir du plaisir (et sûrement 3,50€). On est loin des 17 kms qui pouvaient séparer le chasseur-cueilleur d’un ours agressif pour le dîner.
Transition toute faite pour préciser qu’un pic de dopamine se déclenche avant même de ressentir le plaisir. Simplement en étant exposé au signal d’une canette rouge, on s’imagine boire un Coca. Quand on aperçoit un grand M jaune pendant un trajet en voiture, ça fait aussi son petit effet.
Ça peut être aussi l'odeur du café, l'envie de scroller à la vue du smartphone. Ou le camion du livreur DHL au bout de la rue qui annonce une bonne nouvelle.
Les alcooliques anonymes utilisent les trois mots "people, place and things" pour décrire ce phénomène. Une personne, un lieu ou une chose est capable de déclencher l’envie de consommer de l’alcool, du cannabis, ou juste une série Netflix.
Pressentir une sensation agréable provoque une pré-récompense. Le plaisir est anticipé.
Juste après ça, la production de dopamine dans le cerveau descend juste au-dessous de son niveau de base. C’est cet état de transition déficitaire qui nous motive à aller chercher la récompense pour l'obtenir, quelle qu’elle soit.
Quand le niveau de dopamine est inférieur à la baseline, l’état de manque se déclare.
Une fois qu’on obtient la récompense ciblée, la décharge cérébrale en dopamine augmente bien au-dessus de la baseline. Par contre si la récompense n’est pas obtenue, le niveau plonge encore bien plus bas. Et la chute peut faire mal.
Sans rentrer dans plus de détails, voilà comment fonctionne naturellement notre système de récompense.
Et là où tout a foiré, c’est que la dopamine est aujourd’hui accessible depuis notre canapé.
Pour obtenir l’objet de nos désirs, plus besoin d’aller le chercher. Un seul bouton suffit pour déclencher une dose de plaisir.
On vit dans un monde qui propose un tas de produits chargés en dopamine disponibles en libre-service. Par nature, l’être humain a un appétit insatiable dès qu’il s’agit de distractions.
Et forcément, l’abus de plaisir a des répercussions dramatiques. Tant qu’il y aura des hauts, il y aura des bas.
L’envers du décor
Les rires et les discussions autour du feu. Le partage en cuisine. Les moments de calme et ceux qui s’agitent un peu plus. Les quelques pizzas, les glaces et les verres de vin rouge…
Autant de choses qui m’ont fait beaucoup de bien pendant les vacances cet été. Comparé aux journées où je ne bouge pas du bureau, ça n’a rien à voir.
À l’île d’Oléron, mon temps d’écran a chuté à 13 minutes par jour en moyenne. Mon téléphone est resté plusieurs jours au fond de la valise sans que je m’en rende compte.
Et le lendemain du retour, mon téléphone affichait 2h30 de temps d’écran. Sans compter les heures passées sur l’ordinateur… Voilà ce qui traduit une fuite de la réalité.
J’avais besoin d’occuper chaque moment de vide par une distraction. Me retrouver seul dans le silence était pénible. Étonnamment, je me suis même surpris à demander plus de plaisir pendant quelques jours. Pour moi ça voulait dire manger trois ou quatre carrés de chocolat au lieu de deux.
Je déteste cette version de moi qui va se ruer sur YouTube pour tourner en rond. Qui se distrait par ce qu’elle peut trouver dans le frigo ou dans le placard pour éviter de travailler. Ou qui s’allonge sur le lit en plein milieu de la journée, dans le but de négocier une heure de plus avant d’aller au sport.
Avec le temps, j’ai appris à l’accepter parce que maintenant, je la comprends. Elle cherche à répéter le plaisir provoqué pendant une semaine de “relâche”. Elle a élevé ses besoins en dopamine donc elle en réclame plus que d’habitude.
Après deux ou trois jours tout rentre dans l’ordre, je reprends mes repères et mes bonnes habitudes. Mais il faut quand même déployer quelques efforts pour ça.
On pourrait dire que je me prive en permanence, et certains trouvent que je suis trop dur avec moi-même. Avec tout ce qu’on s’est dit depuis l’introduction de cette newsletter, pour moi, c’est indispensable.
Le système de récompense est un ultra-vicieux. Avec toutes les sources de plaisir qui gravitent autour de nous, on ne sait jamais jusqu’où ça peut nous mener.
Parce que le revers de la médaille n’est pas l’indifférence. C’est la douleur.
Les Américains ont déclaré être moins heureux en 2018 qu’en 2008. D’autres pays qui ont des mesures similaires (richesse, soutien social, espérance de vie) connaissent des baisses similaires sur leur niveau de bonheur. Y compris la France.
Des chercheurs ont interrogé près de 150 000 personnes dans 26 pays pour évaluer la prévalence du trouble d’anxiété généralisée, qui se définit comme une inquiétude excessive et incontrôlable. Les pays riches affichent les taux d’anxiété les plus importants. On en fait partie.
Je ne vais pas balancer tout un tas de statistiques alarmantes mais les faits sont là. Les risques d’addictions à l’alcool, au tabac, au cannabis ou à toutes sortes de drogues augmentent partout dans le monde. Tout comme la prescription d’antidépresseurs et de stimulants.
Entre 1990 et 2017, le taux de dépression a déjà augmenté de 50%.
On pourrait aussi considérer les réseaux sociaux, les séries ou les jeux vidéos comme des drogues digitales. Tous nous bombardent de dopamine au sein du même système cérébral. Et c’est d’ailleurs avec ces plaisirs qu’on lutte le plus à grande échelle.
L’acte de consommation en lui-même est devenu une drogue. Et ce qu’il faut bien comprendre dans tout ça, c’est que chacun de nous (à un certain degré) cherche en réalité à éviter la douleur plus que d’accéder au plaisir, par tous les moyens possibles.
La douleur d’un présent insatisfait, la douleur du silence, de l’ennui et de la solitude. La douleur de nos propres pensées pendant les moments de vide.
C’est comme prendre un doliprane pour calmer le moindre mal, comme on nous l’a toujours appris.
Par notre volonté d’échapper constamment au moment présent en nous divertissant, on a perdu la capacité à tolérer la plus modeste forme d’inconfort.
Notre relation à la douleur est mauvaise parce qu’on la perçoit comme dangereuse. Et pourtant, elle est indispensable pour équilibrer la balance. Les neurosciences nous ont appris récemment que le cerveau traite le plaisir et la douleur dans la même région. Ils fonctionnent comme les deux côtés d’une balance.
Ce qui veut dire que :
Trop de plaisir mène à la douleur.
Trop de douleur mène au plaisir.
Et un déséquilibre provoqué par une exposition prolongée et répétée à des stimulis agréables fait qu’on a maintenant besoin de :
Plus de récompense pour ressentir du plaisir
Moins d’inconfort pour ressentir de la douleur.
La cocaïne est un parfait exemple de ce mécanisme. C’est une drogue qui procure (apparemment) une dose de plaisir inégalable, mais la redescente est brutale.
Plus terre à terre : un paquet de M&M’s. C’est bon, ça offre du plaisir à chaque bouchée. Puis ça fait mal au ventre en fin de soirée. Et plus on en consomme souvent, plus on se verra grossir dans le miroir.
En fait, tout plaisir excessif à un prix qui est la douleur qui s’ensuit (physique ou mentale). Elle est d’ailleurs plus longue et plus intense que ce qui l’a provoqué.
J’en parlais dans l’édition sur mon addiction aux réseaux sociaux. Quand je scrollais dans le vide pendant une heure, je sentais monter en moi des palpitations d’anxiété qui pouvaient durer toute la soirée. D’autres symptômes associés peuvent être l’insomnie, l’irritabilité ou la dysphorie (trouble émotionnel).
À partir du moment où la gratification instantanée domine notre vie, on devient aussi vulnérable à l’atrophie corticale préfrontale, qui est la partie du cerveau impliquée dans la planification et la pensée abstraite. On a donc de plus en plus de mal à retarder la satisfaction et à apprécier la joie des petits plaisirs de la vie.
Et en élevant notre seuil de tolérance au plaisir avec des récompenses toujours plus importantes, on finit par devenir des éternels insatisfaits. Lutter sans fin pour le plaisir à la recherche de plus est la voie directe vers une vie malheureuse.
Nos cerveaux ne fonctionnent pas comme ça. Ils n’ont pas évolué pour cette sorte d’abondance.
Pour reprendre le contrôle sur son bonheur et sa santé, il est essentiel de retrouver une relation saine avec le plaisir et d’apprécier la douleur pour restaurer un bon équilibre physiologique.
Et qu’on le veuille ou non, ça commence d’abord par freiner les récompenses qu’on peut s’octroyer.
3 habitudes efficaces pour retrouver l’équilibre
Quand je pense à mes meilleurs souvenirs de voyage, les randonnées d’Hawaï sont celles qui me reviennent le plus vite en tête.
Chacune d’entre elles nous amenait à des sommets qui nous laissaient sans voix. Les points de vue valaient largement les heures de marche qui précédaient. C’est justement parce que 3 heures d’effort offraient le réconfort que la récompense était si savoureuse, et que ça m’a tant marqué l’esprit.
Arrivé en haut, la dopamine sécrétée provenait de la “douleur” de l’ascension. C’est un plaisir simple et sain. La gratification différée par excellence, celle qu’on a beaucoup de mal à faire travailler.
On préfère obtenir le plaisir tout de suite, sans chercher à la provoquer. Lancer Netflix, ouvrir Instagram, commander sur Uber Eats, c’est beaucoup trop facile. Et plus on s’y habitue, plus on crée un déséquilibre entre plaisir et douleur.
Alors comment apprécier la simplicité et endurer la difficulté quand tout nous est dû en un claquement de doigts ?
Comme pour perdre du poids par le déficit calorique, l’esprit a besoin d’un régime. Les Américains parlent de dopamine detox ou dopamine fasting (jeûne dopaminergique) depuis quelques années. C’est un bon concept que je traduirai plutôt par un rééquilibrage du plaisir.
En neurosciences, c’est le terme d'homéostasie qui est utilisé : le maintien de l’équilibre physiologique d’un organisme vivant (processus de régulation).
Peu importe comment tu veux l'appeler, restaurer un bon niveau de dopamine et maintenir cet équilibre dans le temps est nécessaire pour vivre mieux.
Voilà le plan.
1. Couper le signal
Si la quête vers un meilleur équilibre était une bataille, la volonté serait ton arme principale. Mais comme toute source d’énergie, elle finit par s’épuiser.
Dans une journée, ta volonté est limitée. Les sources de plaisir, elles, sont quasi infinies. Tu ne peux pas lutter indéfiniment contre ce capitalisme limbique. En fait tu ne pourras jamais gagner, seulement craquer.
Par contre tu peux être plus malin que ça en fermant la porte aux démons. C’est une stratégie qui demande peu d’effort. Tu préserves ta volonté sans même t’exposer aux tentations.
Pour ça il faut être assez ferme avec soi-même. Poser ses limites est devenu une nécessité dans ce monde qui nous bombarde de dopamine. Et ça veut dire par exemple :
utiliser des bloqueurs de sites et d’applications sur des plages horaires
s’en tenir à une liste de courses pour ne pas faire rentrer de sucreries dans les placards
sortir avec un montant limité en espèces et laisser sa carte bleue à la maison
débrancher la console de jeux et/ou la TV pour ajouter de la friction
désinstaller toutes les applis qui te causent du tort
éloigner le plus possible l’alcool, le tabac, la drogue…
interdire le téléphone et le PC dans la chambre
La liste est longue, tout dépend des “addictions” de chacun.
Moi, je ne tolère plus que les réseaux puissent me bouffer du temps de vie contre ma volonté alors j’ai décidé de ne m’autoriser qu’une petite fenêtre de consommation entre 17h et 21h pour YouTube, Instagram, LinkedIn, avec le bloqueur Freedom.
Le reste de mes journées est consacré à mon travail, au sport et à mes relations.
Je vois aussi mon lieu de vie comme un sanctuaire où les tentations ne sont pas les bienvenues. Pour ce qui est de l’alimentaire, la seule forme de plaisir facile disponible chez moi est ma tablette de chocolat noir. Pas de gâteaux, de glaces ou de pizzas au congélateur.
Quand je veux me faire plaisir, c’est intentionnel. Ce qui fait que j’apprécie d’autant plus une pizza chez un ami le samedi soir. La maîtrise de soi, c’est d’abord reconnaître les signaux qui mènent aux comportements compulsifs qu’on cherche à éviter. Ensuite la solution est assez simple : couper ces signaux, un à un.
Plus largement, c’est l’abstinence qui est nécessaire dans tout ça.
La dopamine ne doit pas devenir une échappatoire au moment présent, elle doit retrouver son rôle principal qui est de nous motiver à accomplir une chose pour obtenir une récompense. Parce que toute bonne récompense se mérite.
Après l’effort, le réconfort.
2. Baisser le volume
Dans une autre vie, la psychologie aurait été le choix de mes études et peut-être qui sait, mon métier.
Le comportement humain me fascine à tel point que j’aime aller faire les courses pour analyser les clients dans les rayons plus que pour acheter à manger. Et il y a un profil type qui me fait un peu de peine. On va l'appeler Aristide (no offense si c’est ton prénom).
Aristide, c’est ce jeune adulte qui sort de Carrefour aussi vite qu’il en est entré. Il a la même expression du visage que quand il prend le métro parisien et ne regarde personne, pas même le vigile pour lui adresser un simple “bonjour”.
À vrai dire il n’entendrait pas sa réponse puisqu’à moins d’être rentré chez lui, ses écouteurs ne quittent pas ses oreilles.
Évidemment qu’il choisit la caisse automatique pour éviter tout contact humain mais puisque ça ne va toujours pas assez vite, il répond à quelques messages le temps qu’on lui fasse signe que c’est à son tour.
Aristide est déconnecté de l’humanité et de ses propres pensées, mais surconnecté au reste du monde. Certes, c’est un peu paradoxal… Mais on retrouve ce type de comportement dans n’importe quel lieu de vie aujourd’hui (rue, bus/train, quais…)
Si l’on prenait 100 personnes pour une expérience où leur seul objectif serait de ne rien faire pendant 1h30 sur une chaise, la plupart deviendraient fous. Du moins, les symptômes de leur mode de vie sur-stimulé les trahiraient : agacement, agitation, irritabilité, impatience, inattention… Et je pense m’inclure dans ce cas-là.
Tout ça parce qu’on est habitué à vivre dans le bruit et que maintenant, l’ennui nous terrifie.
Quand j’ai commencé à vouloir marcher au réveil d’abord sans écouteurs, puis sans téléphone, la gêne m’a envahie. Puis l’angoisse. Dans ma tête, c‘est comme si dehors on me voyait nu et qu’il fallait affronter le regard des autres. Je sentais bien qu’il manquait une part de moi.
Avec le temps, c’est devenu une habitude qui ne me quitte plus. Marcher 20-30 minutes sans aucune distraction en me levant est un automatisme qui me demande peu d’effort et de volonté et qui m’apporte beaucoup de bien.
C’est d’ailleurs toujours la première habitude que je recommande à des amis qui me parlent de sur-connexion ou de stress. Même juste 10 minutes pour commencer.
Quand tu marches avec toi-même, tu écoutes ce que tu as à te dire. Pour une fois, tu laisses la parole à cette petite voix dans ta tête qui a des choses à te partager. Le temps d’une balade, tu prends le siège de l’observateur pour te reconnecter aux autres, à toi et au monde.
Surtout, tu arrêtes de t’épuiser puisque tu ne cherches pas à t’éviter dans ces moments-là.
C’est un acte de courage de ne pas chercher à contrôler ou fuir quoi que ce soit parce que ça devient vite douloureux de se confronter à tous ces questionnements refoulés depuis des mois voire des années. Mais c’est aussi la seule façon d’y répondre pour te retrouver et te réaligner. Une vie pleine de sens commence toujours par une discussion honnête avec soi-même.
Il faut voir l’ennui comme une opportunité de se (re)découvrir. En mettant sur pause les stimulis qui t’entourent, tu crées l’espace mental nécessaire à la formation de nouvelles pensées plus saines et plus profondes.
Tu vis l’expérience de la vie.
S’écarter du bruit, plus largement, c’est pratiquer la pleine conscience. Devenir conscient de ce à quoi ton esprit pense ou ce sur quoi il réfléchit, sans émettre aucun jugement. Je te l’accorde, c’est plus simple à dire qu’à faire.
Le journaling et la méditation sont deux autres outils fabuleux qui aident à se retrouver. Il te suffit d’un carnet et d’un stylo pour coucher tes pensées sur papier, et de l’application que tu préfères pour méditer. Et c’est prouvé, l’impact sur le bien-être est réel.
Quelques autres bonnes pratiques pour baisser le volume :
couper les écrans après 22h ou 23h le soir
penser sa chambre comme un sanctuaire où le téléphone est interdit
penser la douche/le bain comme un moment de détente sans musique
retarder ou éviter de lancer Spotify à chaque trajet en voiture
profiter d’une demi-heure de calme avant de mettre de la musique pour travailler
Et la plus inconfortable reste certainement de manger sans audio ni vidéo. Je trouve que se retrouver seul à manger à table sans bruit de fond est assez perturbant. Mais c’est aussi une preuve évidente qu’on ne sait plus prendre le temps d’apprécier notre alimentation.
À travailler !
3. Savourer la lutte
“Si je gagne au loto, je quitte mon job pour faire le tour du monde et j’achète une grande maison avec piscine”.
J’entends bien que gagner des millions peut changer des vies et je ne suis pas du tout contre une aide financière en ce moment, mais où est le mérite de se voir tout offrir ?
La dépression est un phénomène courant chez les gagnants à l’euro million quelques années après leur victoire. D’ailleurs ce n’est pas pour rien si un suivi psychologique vient de pair avec leur ticket gagnant. Débloquer tout ce qui peut faire rêver un être humain du jour au lendemain, ça fait vriller.
Autre fait, les “gosses de riche” ont tendance à être plus malheureux que la moyenne parce qu’ils naissent dans un environnement d’abondance où tous les plaisirs de la vie leur sont présentés sur un plateau d’argent. Leur baseline de dopamine est en quelque sorte erronée dans ce monde qui nous pousse à la lutte.
C'est-à-dire qu’ils fournissent peu voire pas du tout d’effort au cours de leur vie pour obtenir une récompense. Ils prennent pour acquis ce qu’ils possèdent et réclament des récompenses qui dépassent tout entendement pour ressentir du plaisir.
À l’inverse on a tous déjà ressenti la satisfaction d’une bonne séance de sport ou la reconnaissance de nos pairs après un travail bien fait. Ces sensations agréables sont celles qu’on doit chercher à reproduire pour maintenir un bon équilibre entre la douleur et le plaisir.
Je me répète mais c’est comme ça que le cerveau est censé fonctionner. Et à quelques réglages près, on a tous le même.
Dans plusieurs éditions, j’évoquais avoir trouvé une source de plaisir saine et durable dans l’écriture par le flow. C’est un état mental qui s’atteint quand on est complètement immergé dans une activité avec une concentration profonde, un engagement fort et une grande satisfaction d’accomplissement personnel.
Simplement, c’est être absorbé par une activité (pro ou perso) et y prendre du plaisir.
Peu importe la forme qu’elle prend, l’activité créative sécrète une bonne dose de dopamine parce que l’effort précède la réalisation. C’est aussi une forme de douleur qui mène à un résultat plaisant.
J’en ferai une autre édition mais demande-toi en première intention : “quelle activité/passion/hobby me fait perdre la notion du temps ?”
Et je ne peux pas terminer cette newsletter sans évoquer la pratique sportive, qui est le meilleur exemple de ce que représente une relation saine avec l’effort et le plaisir.
L’exercice physique augmente beaucoup de neurotransmetteurs impliqués dans la régulation l'humeur :
dopamine
sérotonine
noradrénaline
epinephrine
endocannabinoïdes
endorphines
Un cocktail de bien-être libéré APRÈS la douleur de l’effort. L’effort qui peut être lui-même plaisant quand on pratique un sport qu’on aime.
“L’exercice a un effet positif plus profond et plus durable sur l’humeur, l’anxiété, la cognition, l’énergie et le sommeil que n’importe quelle pilule qui pourrait être prescrite.”
C’est pas moi qui le dit, c’est la science.
Bon, il arrive comme tout le monde que je traîne pour aller à la salle de sport quand j’en ai pas envie (et c’est tout à fait normal). Dans ce cas-là je projette de m’offrir une barre protéinée après avoir terminé ma séance. C’est pas grand chose mais ça m’incite suffisamment à combattre la résistance du confort et du plaisir facile.
En plus de ça je vote pour la version de moi qui fait les choses et ça me rend d’autant plus fier une fois que je suis en tenue de sport prêt à sortir.
Et il n’y a que du positif à en retirer :
5 points de discipline
3 points d’estime de soi
10 points de bien-être
Depuis tout petit on fonctionne à la carotte, alors pourquoi pas répliquer cette méthode si ça peut améliorer nos vies ?
Qu’on s’entende bien, pas un Burger King après chaque sortie running…
Quoi qu’il en soit, l’exposition progressive à la douleur est essentielle pour y devenir plus tolérant et apprécier plus simplement le plaisir.
Tout comme en s’exposant régulièrement à n’importe quelle de nos peurs, on la supporte beaucoup mieux.
La douleur mène au plaisir par les mécanismes homéostatiques de la régulation du corps. Par ce principe, notre baseline en dopamine se retrouve plus équilibrée.
Même si se faire violence est contre-culturel, c’est le meilleur moyen de reprendre le contrôle de sa vie. Parce que si la douleur est le prix du plaisir, alors le plaisir est la récompense de la douleur.
À partager 🍿
📰 Comment réduire son addiction à la dopamine
nous propose sur sa newsletter Cortexte une autre édition liée à la dopamine avec un prisme intéressant : l’équilibre entre l’ordre et le chaos.À lire !
📕 Dopamine Nation - Dr. Anna Lembke
Cette newsletter n’existerait pas sans le livre Dopamine Nation de Anna Lembke qui m’a grandement inspiré. Pour plonger davantage dans le pourquoi du comment notre addiction au plaisir nous cause de la souffrance, je te le recommande à 100% (existe en version FR).
🎬 you feel like you’re falling behind… here’s why
Tom Snoke nous partage dans cette vidéo 5 leçons pour remettre en perspective notre comparaison aux autres et ainsi mieux s’estimer.
Simple et authentique, comme on aime.
"Jusqu'à ce que vous rendiez l'inconscient conscient, il dirigera votre vie et vous l'appellerez le destin." — Carl Jung
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Je te souhaite une bonne semaine !
Un article très poussé. Encore un fois je suis impressionnée par ton travail mais aussi ta réflexion. Pour ce qui est capitalisme limbique je trouve cette notion très intéressante et je vais définitivement me plonger dedans. L'addicton à la dopamine via des activités forte est réelle. Cependant je ne suis pas d'accord pour ce qui est de l'addiction aux subtances. D'un point de vue neurologique, c'est une détérioration des récepteurs à dopamines et autres -mines qui minent (j'ai tenté des rimes) mais surtout l'état de maladie dans laquelle elle plonge. C'est surtout le moyen que beaucoup de personnes trouvent pour s'oublier et s'autodetruire.
L'addicton est une vraie maladie qui doit être prise en charge avec l'accompagnement de professionnels.
Après je comprends tout à fait l'analogie ! Je vais mettre en pratique quelque uns de tes conseils et j'espère découvrir cette nouvelle sensation qui est celle de s'écouter 👏
Je découvre la notion de "capitalisme limbique" grâce à toi et c'est super intéressant, comme tout le reste de ton raisonnement.
Je suis justement en train de creuser le sujet des "nouveaux récits" qui permettent de créer de nouveaux imaginaires et faire évoluer le discours (capitaliste) en place depuis des décennies. Et ça rejoint parfaitement le sujet de cette NL !
Réussir à comprendre que nos habitudes de consommation sont en grande partie (mais pas seulement, on a toutes et tous notre part de responsabilité) dictées par des gens qui exploitent les mécanismes de notre cerveau pour faire du profit, c'est un vrai premier pas vers une reprise de contrôle de ses habitudes :)
Et merci pour toute cette réflexion et ces conseils que tu apportes ici pour aider à la compréhension du problème !